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Décembre 2020

Suite de la correspondance de Suzie...

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Mon cher Bernard,

J’espère que vous vous portez bien. Claude m’a donné quelques nouvelles de vous il y a quelques jours, ça m’a fait plaisir. Il était encore en train de se balader en vélo au lieu de distribuer le courrier, un jour il va se faire prendre. En tout cas, je me dis qu’avec tout le vélo qu’il fait, il doit vraiment avoir des mollets de coureur !

Vous vous rappelez qu’Isaac, l’ancien photographe m’avait laissé toutes ses photos en partant. L’autre jour, j’ai retrouvé celle-ci. Vous vous souvenez ? On était en 36, je venais d’arriver à Chambier depuis peu. J’avais fui les mouvements de grèves de la grande ville pour me retrouver finalement au milieu des discours enflammés que votre frère et vous échangiez avec Claude au sujet du front populaire et de Mr Blum. Faut dire que vous vous entendiez drôlement bien tous les trois en ce temps-là… Surtout votre frère et Claude. Je crois bien que Claude l’a toujours beaucoup admiré, du coup forcément quand il est parti rejoindre de Gaulle, il est devenu le héros qu’il aimerait tant être. Alors, faut pas lui en vouloir quand il vous râle dessus, vous savez bien qu’au fond il vous aime bien ! Et puis vous devez bien avouer qu’à l’époque vous aviez un discours quand-même bien différent de maintenant… 

Et vous vous souvenez des parties de fou rire qu’on avait tous ensembles en jouant aux cartes avec notre brave Gaston ? On était heureux... Au début Mme Françoise me regardait d’un sale œil, je crois bien qu’elle devait trouver qu’une coiffeuse de la ville, célibataire, ça faisait mauvais genre dans son café… Mais maintenant on s’entend bien. A vous, je peux bien le dire, j’ai jamais eu vraiment beaucoup d’amies quand j’étais gamine, alors avec Mme Françoise ça me fait plaisir qu’on soit devenue des vraies copines. Elle a son caractère mais faut savoir l’apprivoiser. Et le café Barray, ben, c’est un peu ma famille à moi.

Vous avez vu comme on était beaux sur la photo ? A cette époque-là, je me coiffais comme Jean Harlow, je rêvais de lui ressembler. Quelle gamine j’étais !

 

Enfin, la guerre nous aura au moins amené la petite Marie. C’est un amour cette gamine. Quand elle me regarde avec ses grands yeux de gosse triste, je voudrais la protéger… je sais pas trop de quoi au juste et ni comment je m’y prendrais… ça me fait penser que je l’avais photographiée avec le Rolleflex (celui d’ Isaac), un jour où elle discutait avec notre fridolin. Alors je crois que je vais essayer de développer la pellicule pour lui donner les photos. Ça doit pas être bien compliqué, je crois que je me souviens encore bien de ce que m’avait montré Isaac à l’époque. Et comme il m’a laissé tout son matériel en partant, ça m’occupera en attendant de pouvoir rouvrir mon salon !

 

En tout cas, monsieur Bernard, je pense bien à vous, alors prenez bien soin de vous ! Et faites quand-même attention en grimpant aux échelles à la bibliothèque.

 

A très bientôt j’espère,

Votre dévouée Suzie

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